La technologie numérique et l’essor des nouvelles méthodes d’apprentissage informel
Consulter un tutoriel YouTube ou un dictionnaire en ligne, améliorer ses connaissances en anglais grâce à une application dédiée en prenant les transports en commun, etc. Pour développer leurs compétences, les professionnels se tournent de plus en plus vers ces méthodes d’apprentissage numérique informel. C’est ce qu’illustrent deux études menées par le HRM Digital Lab de l’Institut Mines-Télécom Business School, sur un échantillon représentatif de 1 000 salariés français.
Selon l’étude réalisée par Kantar TNS en 2016, un peu plus d’un salarié sur deux avait utilisé l’apprentissage numérique informel pour développer ses compétences professionnelles. Une seconde étude réalisée par OpinionWay en 2018 a montré que ce chiffre concerne désormais 60 % de la population active.
Des besoins fondamentaux
Il n’y a rien de nouveau à ce que les employés apprennent de manière autonome au quotidien, que ce soit en observant leurs collègues ou leur responsable, en lisant des publications spécialisées, en discutant avec leurs pairs, etc. Cet ensemble de comportements d’apprentissage a été étudié et formalisé pour la première fois dans les années 1950, sur la base des travaux de Knowles, considéré comme le père de l’andragogie.
Dans les années 1960, Bandura a exploré les phénomènes d’imitation, selon lesquels les individus apprennent en observant ou en écoutant d’autres personnes, considérées comme des « modèles » ou des « enseignants occasionnels ». Puis, en 1996, trois chercheurs, Morgan McCall, Robert W. Eichinger et Michael M. Lombardo, du Center for Creative Leadership (en Caroline du Nord, États-Unis) ont démontré, à partir d’une étude portant sur 200 cadres, que les individus apprennent de différentes manières tout au long de leur vie.
Dans cette étude, les situations d’apprentissage traditionnelles (apprentissage en dehors du travail) et formelles (c’est-à-dire les programmes de formation officiels/de certification) ne représentent que 10 % du temps d’apprentissage, contre 90 % pour le temps d’apprentissage informel, qui est plus instantané et désorganisé.
À une époque où l’obsolescence des compétences est de plus en plus rapide, l’apprentissage informel est devenu crucial pour que les employés et les professionnels puissent continuer à exercer efficacement leurs fonctions. L’étude menée par Kelley montre une diminution constante de l’estimation par les travailleurs de la part des connaissances stockées dans leur mémoire qui sont nécessaires à leur activité professionnelle : de 75% en 1986, elle est passée à 20% en 1997 et à 10% en 2006.
Nouvelles méthodes
Nous avons analysé cette réalité à travers deux études de cas auprès de consultants, d’auditeurs et de professionnels indépendants. Nous avons identifié les facteurs d’utilisation de ces pratiques et mis en évidence quatre méthodes d’apprentissage informel basées sur la technologie numérique :
- La distribution de contenu à une communauté en utilisant des outils tels que les médias sociaux. C’est le cas, par exemple, de Laura, une orthophoniste de 31 ans qui crée, distribue et partage des contenus qu’elle trouve intéressants avec des groupes de collègues orthophonistes sur les médias sociaux. Sur le groupe Facebook « Les Orthos et la Neuro », une communauté de plus de 11 000 collègues discute, partage et débat de sujets et de questions d’actualité liés à leur profession.
- Suivre les tendances d’une profession ou d’un secteur d’activité et y répondre par des mises à jour régulières. C’est le cas de Vincent, un manager de 32 ans dans un cabinet d’audit et de conseil, qui consulte son fil d’actualité LinkedIn avant de se coucher. Cette surveillance est opportuniste et cette méthode est utilisée lorsque les circonstances le permettent, par exemple pendant les temps d’attente et dans les transports en commun.
- Tirer parti de toutes les ressources numériques disponibles nécessaires à la réalisation d’un objectif. C’est le cas de Caroline, une consultante senior de 29 ans, qui se voit proposer une mission ambitieuse, qui ne correspond pas à ses compétences actuelles. Elle relève ce défi et apprend de manière autonome en utilisant les ressources en ligne qu’elle juge utiles. Sa méthode intense est liée à un objectif spécifique, dans ce cas, sa nouvelle mission. Cette méthode peut également être motivée par des raisons personnelles, par exemple pour obtenir une promotion ou démarrer une nouvelle carrière.
- Réagir aux difficultés qui se présentent lors de l’exercice d’une activité professionnelle, et utiliser le pouvoir d’apprentissage pour le bon besoin au bon moment. C’est le cas de Sarah, une pharmacienne de 36 ans qui doit répondre aux questions et aux demandes de conseils des patients. Pour ce faire, elle s’appuie sur des contacts appropriés et sur une liste de sites web de référence dignes de confiance collectée à l’avance pour répondre aux questions rapidement et efficacement.
Les quatre méthodes d’apprentissage numérique informel identifiées dans cet article s’inscrivent dans le cadre de l’abandon du plan de formation à compter du 1er janvier 2019, au profit d’un plan de développement des compétences visant une approche plus personnalisée axée sur des objectifs de formation qui ciblent des compétences spécifiques. Cette loi prévoit une souplesse dans la mise en œuvre des parcours d’apprentissage qui vont au-delà du modèle traditionnel avec un temps et un espace déterminés.
Les entreprises, et toutes les formes d’organisations, ont la possibilité de devenir plus flexibles et de répondre aux pratiques et aux besoins réels des employés et des professionnels d’aujourd’hui. Cela ouvre la porte, par exemple, à un débat sur la (co)production, la structuration, la disponibilité, l’utilisation et le partage des ressources numériques.
- Comment sécuriser et stocker vos cryptomonnaies - novembre 28, 2023
- Comment optimiser votre site web pour la recherche vocale - novembre 28, 2023
- L’éthique de la Fintech : équilibrer l’innovation et la protection des consommateur - janvier 4, 2023